Cette année, La Gambille a 40 ans !

En plein essor des « supermarchés qui écrasent les prix » et qui prétendent déjà « lutter contre la vie chère » dans un contexte de forte inflation, des briochins souhaitant trouver des alternatives décident d’acheter en commun des produits issus de l’agriculture biologique. Pour cela ils créent un groupement d’achat afin de trouver plus aisément des produits biologiques alors très mal distribués.

Cette démarche marque l'émergence de la conscience écologique à la fin des années 70. Des citoyens commencent en effet à percevoir les conséquences environnementales néfastes d’une agriculture qui recourt de plus en plus aux intrants chimiques (engrais, pesticides…) mais aussi à celles tout aussi inquiétantes de l'élevage intensif en particulier pour les ressources en eau.

C’est la sauvegarde de la ferme de la Ville-Oger menacée par l’extension urbaine qui fédère d’abord les promoteurs du groupement d’achat. Marie Christine Beaugrand, conseillère en économie sociale et familiale au centre social de la Croix Saint-Lambert, profite des réunions destinées à répartir les commandes pour promouvoir dans ses cours de cuisine une alimentation moins carnée à travers la préparation des céréales, des légumineuses et des légumes oubliés (radis noir, panais, potimarron...). Cela lui permet de proposer une palette d'aliments plus variée que celle de la grande distribution dont l’offre est limitée et standardisée.

Février 1983 : Création de la Gambille

Le 8 février, les adhérents du groupement d’achat décident de créer une Société Civile Coopérative de Consommation à capital variable. Ils choisissent de lui donner pour nom « La Gambille » et de fixer son premier siège social au 26, rue Chateaubriand à Saint-Brieuc, dans un petit local qui accueillit aussi le premier magasin et dont seuls les plus anciens sociétaires se souviennent. Hervé Leroy, premier Président du Conseil d’Administration a pour mandat de déposer les statuts de La Gambille auprès du Tribunal de commerce. C’est chose faite le 28 février.

Les années passant, nombre de nouveaux coopérateurs se sont demandé ce qui justifiait le choix d’une dénomination évoquant une danse. Après enquête, il est possible de confirmer que le centre social de la Croix Saint-Lambert où se réunissaient les membres du groupement d’achat n’avait pas de salle danse et encore moins de salle s’appelant « La Gambille ».

Mais pourquoi avoir alors choisi ce nom pour dénommer la toute jeune coopérative ?

Nous vous proposons 2 hypothèses dansantes : il semble que le 26 rue Chateaubriand fut en son temps une salle de danse dans laquelle les danseurs « gambillaient » au son d’une java intitulée "Viens à la Gambille"(1). Néanmoins Raymond Desbois, membre du premier conseil d'administration de la coopérative, nous a dit récemment avoir proposé ce nom en s'inspirant de la chanson intitulée "Encore une journée de foutue"(2) écrite par Jacques Higelin en 1982.

2 mai 1983 : Début de l’activité de « la Gambille »

Depuis sa naissance en 1983, La Gambille a connu bien des crises qu’elle a toujours su surmonter mais cela est une autre histoire sur laquelle je pourrai revenir dans un futur article.

1986 : création du réseau national Biocoop

S’alliant à d’autres coopératives de consommateurs nées elles-aussi dans les années 70 et au début des années 80, La Gambille participe à la création d’une association loi 1901 qui prend pour nom « Biocoop ». L'enseigne débute avec 40 magasins.

Et maintenant ?

En 2020, Biocoop c’est 12% du marché bio français. Biocoop a permis d’organiser tout la filière bio, producteurs et transformateurs au profit des consommac’teurs.

La Gambille, c’est aujourd’hui 64 salariés, 5 magasins et près de 150 producteurs locaux, c’est-à-dire toute une filière qui a besoin de vous. Chacun de vos actes d’achat est un soutien pour nous tous, notre environnement et les valeurs portées par la BIO.

La Gambille est notre coopérative de consomm’acteurs ; elle appartient à ses sociétaires, elle nous appartient ; elle ne vit que de votre engagement.

Notre coopérative s’est construite sur des valeurs. Aujourd’hui plus que jamais, en tant que sociétaires, nous les défendons à chaque fois que nous choisissons de faire nos courses dans un de nos magasins.

Quelles sont alors nos valeurs ?

1. Aider les producteurs bio de notre territoire en leur assurant une juste rémunération de leur travail. La Gambille s’approvisionne directement auprès de producteurs et de transformateurs situés à moins de 150 km qui comptent sur nous pour leur pérennité et leur développement. Cela a représenté 21% de nos achats en 2021, plus de 50% pour les légumes.

2. S’approvisionner en bio, local et de saison permet de développer la production locale, de respecter les cycles de production, de limiter les transports et l’impact sur l’environnement. Notre charte est exigeante ; c’est pourquoi vous ne trouverez pas, par exemple, de tomates en hiver, car elles sont soit produites localement sous serres chauffées et éclairées, soit importées du sud de l’Espagne dans les conditions que l’on connait sur le plan social et environnemental, y compris en bio si le cahier des charges correspond au cahier des charges européen peu exigeant.

3. Pour les produits non disponibles localement, le magasin se fournit en priorité auprès des professionnels du réseau qui favorisent également les produits locaux. Pour les fruits et légumes qui ne sont pas produits localement, la priorité est donnée aux produits d’origine française ou à défaut d’Europe du Sud. Seuls les fruits et légumes d’origine subtropicale ou tropicale - et donc non cultivés en Europe - sont importés (bananes, ananas…) et sans jamais recourir au transport aérien. Les produits développés par Biocoop et ses partenaires le sont à travers des filières solidaires Nord/Nord ou Nord/Sud.

Dans un contexte difficile pour la filière bio du fait du retour de l’inflation, de la baisse du pouvoir d’achat, de la concurrence de labels fallacieux promus par le gouvernement tel que le HQE (haute qualité environnementale), de la promotion du « local » sans jamais préciser quelles sont les conditions de production sur le plan social et environnemental, nous avons collectivement la responsabilité de poursuivre le fil rouge des fondateurs de La Gambille.

Plus que jamais nos actes d’achat se doivent d’être des actes militants. Nous nous devons de continuer à défendre et promouvoir les valeurs portées par La Gambille depuis 1983 : ancrage local et bio, respect de la saisonnalité, relations équitables avec les producteurs, bonnes conditions de travail pour nos salariés, respect du principe d’égalité hommes-femmes et limitation des écarts de rémunération au sein de l’entreprise, préservation de l’environnement, nourriture saine…

Dès aujourd’hui remobilisons-nous pour la Gambille et préparons d’ores et déjà ensemble nos cinquante ans !

Thierry Thibault